Barrage de la Renaissance : le dialogue de la dernière chance ?
Dans la bataille du Nil entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie, c’est peut-être la dernière chance offerte à la diplomatie et à la conciliation. La présidence congolaise a fait savoir le 30 mars que Félix Tshisekedi accueillera prochainement un round de négociation entre Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba autour du conflit qui les oppose sur le barrage éthiopien de la Renaissance.
Dans cette optique, une rencontre au niveau ministériel a été programmée entre le 3 et le 5 avril à Kinshasa. Elle devrait, selon les informations communiquées, se tenir en présence de Félix Tshisekedi- qui préside l’ Union africaine (UA) depuis février- et du président de la commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat. Les trois ministres des Affaires étrangères concernés, l’Éthiopien Demeke Mekonnen, la Soudanaise Mariam al-Mahdi et l’Égyptien Sameh Choukri, devraient par ailleurs faire le déplacement, accompagnés de leurs homologues de l’Eau et de l’irrigation.
De fait, l’enjeu est de taille, tant la tension est palpable entre les trois pays. Plus tôt dans la semaine, après que l’Ethiopie ait annoncé qu’elle fera ses premiers tests de production électrique sur le barrage de la Renaissance cette année, le président Abdel Fattah el-Sisi a prévenu qu’il y aurait « de graves conséquences régionales si l’approvisionnement en eau de l’Égypte était affecté ». L’Égypte, ainsi que son voisin méridional, le Soudan, cherchent depuis des années à conclure un accord juridiquement contraignant avec l’Ethiopie sur l’exploitation du barrage de la Renaissance. Une infrastructure hydroélectrique qui selon Addis-Abeba, est cruciale pour son développement économique. Avec une population de plus de 100 millions d’habitants, le géant de la Corne de l’Afrique connaît une croissance forte depuis plus d’une décennie, tirée par d’importants investissements dans les infrastructures (trains, routes, parcs industriels) mais grevée par un manque récurrent de devises étrangères, dû en premier lieu à des exportations qui ne décollent pas. Dans ce contexte, l’électricité pourrait s’avérer un élément-clé pour booster l’offre énergétique comme pour engranger un surcroît de recettes en devises. Une étude du bureau technique du Nil oriental (Entro) à l’Initiative du bassin du Nil, estime ainsi que l’Éthiopie pourrait exporter à terme jusqu’à 2 000 MWh vers l’Égypte et 1 200 MWh vers le Soudan. Une ligne devrait par ailleurs bientôt relier le Kenya et l’Éthiopie, qui escompte aussi un jour pouvoir vendre son courant au Soudan du Sud et à la Tanzanie.
Lire aussi RDC : La BAD s’engage à financer le futur barrage Inga III
Porté sur les fonts baptismaux en février 2011, le barrage éthiopien de la Renaissance, dont la mise en service est attendue pour la fin 2022, sera le plus grand complexe hydroélectrique d’Afrique. Construit sur le Nil bleu, il disposera d’une capacité de production de 6 000 mégawatts, pour un investissement estimé à près de 5 milliards de dollars.