Ces hommes d’affaires venus d’ailleurs qui ont fait fortune dans les matières premières africaines
Publié début juillet, le classement des 500 plus grandes fortunes françaises du magazine Challenges comptabilise un certain nombre de patrimoines majoritairement constitués en Afrique. Une bonne occasion de rappeler que plusieurs milliardaires étrangers ont bâti leur richesse dans les matières premières africaines. Parfois de manière trouble. Itinéraire de trois des plus connus d’entre eux.
Beny Steinmetz (1,1 milliard de dollars de fortune selon Forbes)
À la tête du Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), le milliardaire israélien Beny Steinmetz connaît l’Afrique comme sa poche. Et pour cause, ce fils de tailleur de diamants sillonne le continent depuis près de quarante ans pour fournir l’entreprise familiale en pierres brutes. Et peu importe le chaos des guerres civiles, qu’il a souvent constaté de visu dans les pays où ses deals l’ont mené : Angola, Sierra Leone, RDC… Là où les plus timorés n’osent s’aventurer, lui rafle les bonnes affaires à tour de bras. Une réussite qui doit aussi beaucoup à son carnet d’adresses exceptionnellement bien fourni, notamment au sein des élites politiques du continent.Il n’empêche, l’opérateur israélien suscite souvent la controverse. Et sa proximité avec le pouvoir, qui l’a si longtemps servi, peut à l’occasion se retourner contre lui. Accusé par les autorités de Guinée-Conakry d’avoir acquis frauduleusement des permis miniers au mont Simandou – le plus gros gisement de fer du monde – à l’époque de feu le président Lansana Conté, le magnat a dû se résoudre, fin février, à renoncer officiellement à ses prétentions. En affaires comme dans la vie, on ne peut gagner à tous les coups.
Jean-Claude Mimran (1,5 milliard d’euros de fortune selon Challenges)
Dirigeant du groupe de négoce Mimran, Jean-Claude Mimran est l’héritier de Jacques Mimran, un Juif séfarade venu d’Algérie et devenu « le roi du sucre » au Sénégal en créant la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) dans les années 1970. À la mort du fondateur, en 1975, le fils reprend la main et fait prospérer l’entreprise avec une série d’acquisitions réalisées à bon compte. Au gré des opportunités, le nouveau « roi du sucre » place ses pions dans le secteur bancaire africain (rachat de la CBAO), tandis qu’en Europe, il se lance dans la construction automobile (prise de contrôle de Lamborghini) ou… la transformation charcutière (reprise du groupe Olida-Caby). Autant de « coups » qu’il soldera ensuite à profit. Opportuniste, il l’est également en entretenant des liens étroits avec les pouvoirs en place et… en sentant le vent tourner. Propriétés ultra-rentables de la famille durant des décennies, les Grands moulins de Dakar et d’Abidjan (minoteries industrielles) ont ainsi été cédés en 2018 à l’Américain Seaboard Corporation, les marges ayant fondu dans le secteur avec l’arrivée de la concurrence. L’encre de l’accord à peine séchée, l’homme d’affaires se lançait dans la filière minière avec des prises de participation au Sénégal (or, phosphates). Les affaires sont les affaires pour ce businessman qui dit avoir appris de son père à « ne jamais se retourner ». Une inclination d’esprit faite de risques calculés et de détachement, qui explique probablement sa réussite hors-norme : figurant aujourd’hui parmi les hommes les plus riches de la planète, il est classé 63e fortune française (1,5 milliard d’euros) par le magazine Challenges. Un rang que le principal intéressé – résidant en Suisse – réfute, arguant qu’il n’est plus français depuis de longues années.
Dan Gertler (1,2 milliard de dollars de fortune selon Forbes)
Né en Israël, l’homme d’affaires doit d’abord sa fortune aux deals miniers conclus en Afrique, notamment en RDC. Issu d’une famille de diamantaires, tout comme son compatriote Beny Steinmetz, le jeune Gertler débarque pour la première fois à Kinshasa en 1997. Le régime de Mobutu Sese Seko est sur le point de tomber et le chef rebelle Laurent Désiré Kabila a besoin de cash pour financer ses opérations militaires. L’Israélien convoite quant à lui les diamants de l’est du pays. L’affaire est conclue et, très vite, Dan Gertler obtient de Kabila, devenu président, un quasi-monopole sur les pierres précieuses congolaises. Joseph Kabila, le fils du Mzee, renouvellera par la suite ces bonnes dispositions à l’égard de l’« ami » Dan, jusqu’à son départ du pouvoir en 2019. Un « ami » influent –et controversé– qui s’est bâti au fil du temps un véritable empire minier intégrant, outre le diamant, du cobalt, du fer, de l’or, du manganèse et surtout du cuivre. Il a ainsi profité à plein du démembrement de la structure étatique Gécamines (Société générale des carrières et des mines) pour se positionner à bon compte dans l’activité cuprifère au Haut-Katanga, avant de revendre à profit ses actifs au géant suisse des matières premières Glencore pour 960 millions de dollars en 2017. Il n’a cependant guère eu l’occasion d’en profiter : accusé par l’administration américaine d’avoir joué de « ses relations avec le chef d’État congolais pour servir d’intermédiaire pour la vente d’actifs miniers en RDC, imposant à des compagnies multinationales de passer par Gertler pour faire affaire avec l’État congolais », il fait aujourd’hui l’objet de sanctions ordonnées par le Trésor américain.