Environnement des affaires agricoles en Afrique : ce qu’il faut retenir du dernier rapport dédié de la Banque mondiale
Moins connu que l’incontournable Doing Business, le rapport Enabling the Business of Agriculture – également une publication de la Banque mondiale – classe chaque pays selon le climat des affaires dans l’agriculture. Si l’on en croit l’édition 2019, publiée le 21 octobre, les gouvernements africains seraient très volontaires sur le front des réformes. Seul bémol : le continent part de très bas…
Édité depuis 2015, ce rapport couvre huit champs d’études : (1) fourniture de semences ; (2) enregistrement des engrais ; (3) approvisionnement en eau ; (4) enregistrement des machines ; (5) pratique d’un élevage responsable ; (6) préservation de la santé des plantes ; (7) commerce des produits alimentaires ; (8) accès au financement. Il en ressort que depuis quatre ans, on observe des progrès sensibles en matière de gestion des épidémies, d’accès à des semences de qualité et d’obtention de crédits. Quarante-sept des 101 pays étudiés ont ainsi mis en œuvre 67 réformes réglementaires sur deux ans, susceptibles d’influer favorablement sur les conditions d’exploitation agricole. Au niveau du classement proprement dit (les performances globales de chaque pays sont évaluées selon une échelle de notation allant de 0 à 100), dix-sept des vingt premiers pays sont situés en Europe, le « top 3 » comprenant respectivement la France (93,70/100), la Croatie (92,68) et la République tchèque (92,32), qui disposent à la fois d’une bonne réglementation et de processus efficaces dans tous les indicateurs mesurés. Le numéro 1 africain est l’Afrique du Sud (68,73), suivie du Kenya (64,80) et du Maroc (64,02).
Des politiques réformatrices
Commentant les résultats de cette édition 2019, la Banque mondiale note que « quatre pays d’Afrique subsaharienne se classent parmi les dix États du monde ayant entrepris le plus grand nombre de réformes réglementaires favorisant l’activité des agriculteurs ». À savoir : la Sierra Leone, le Burundi, le Mozambique et le Malawi. Mais au-delà de ces premiers de cordée, de nombreux autres pays du continent s’efforcent d’améliorer le climat des affaires pour les agriculteurs. En Afrique de l’Ouest, l’institution financière relève par exemple que le Bénin, le Mali, le Niger et le Togo ont élaboré une réglementation nationale qui adopte légalement les directives sur les engrais de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tandis qu’au Libéria, une nouvelle loi sur les semences est en voie de finalisation. À l’est du continent, l’Éthiopie, l’Ouganda et la Tanzanie cherchent à favoriser l’accès au crédit grâce à la mise en place de systèmes de récépissés d’entrepôt (les produits agricoles stockés servent comme collatéral d’un prêt, NDLR). Le Kenya promeut quant à lui l’accès des agriculteurs aux variétés de semences déjà enregistrées à l’étranger, ce qui évite la duplication des procédures et les retards inutiles.
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Encore beaucoup de chemin à parcourir
Il n’empêche, comparé au reste du monde, l’Afrique continue d’occuper les profondeurs du classement. Si la tendance actuelle est plutôt positive (beaucoup de réformes impulsées), l’environnement général demeure problématique : alors que l’agriculture représente 60 % des emplois du continent et contribue à un quart de son PIB, « quatorze pays d’Afrique subsaharienne figurent parmi les 20 pays les moins bien notés de l’étude », relève le rapport. En dépit de sa place de premier pays réformateur, la Sierra Leone n’a, par exemple, toujours pas de réglementation sur l’enregistrement des engrais, des machines ou sur la protection de la santé des végétaux, constate la Banque mondiale. Or, « […] la croissance de l’agriculture est deux à trois fois plus efficace pour réduire la pauvreté que celle des autres secteurs », rappelle Siméon Djankov, Senior Director du département Économie du développement (DEC) à la Banque mondiale. Pour l’expert, « il faut faire davantage pour aider les agriculteurs à travers les réformes réglementaires afin qu’ils puissent développer leurs activités et prospérer ». Un message certes entendu par les gouvernants africains, bien que comme souvent, l’énoncé d’une (possible) solution soit plus aisé que sa mise en œuvre effective…