Le Nigeria ne veut plus d’importations de produits alimentaires
Au Nigeria, le tour de vis protectionniste continue de se resserrer. Après les récentes restrictions imposées aux importations de lait et de produits textiles, c’est au tour des autres denrées alimentaires importées d’être mises sur le banc de touche.
Dans un communiqué publié ce mardi, la présidence du Nigeria a annoncé que le chef de l’État Muhammadu Buhari avait demandé à la Banque centrale du Nigeria de « cesser de fournir des devises pour l’importation des produits alimentaires dans le pays ». Une posture protectionniste que goûte particulièrement le dirigeant nigérian, qui ambitionne de faire du Nigeria un pays autosuffisant et souverain en matière alimentaire : au cours de son premier mandat (2015-2019), Muhammadu Buhari avait ainsi (déjà) interdit les importations de riz afin de relancer la filière locale. Avec un succès mitigé toutefois.
Premier producteur africain de pétrole (2,3 millions de barils/jour) et géant démographique de 200 millions d’habitants, le Nigeria a trop longtemps négligé ses secteurs hors pétrole (90 % des devises du pays) pour être en mesure de changer en un laps de temps aussi restreint l’actuel paradigme économique, notamment concernant la filière agricole. Dans la durée néanmoins, les effets de cette politique souverainiste pourraient finir par porter leurs fruits. À court terme cependant, l’interdiction de subventionner en devises les importations de produits alimentaires (plus de 2 milliards de dollars par an) répond à un autre impératif, d’ordre financier celui-là. Avec un cours du pétrole sous pression (-18 % sur 3 mois) et une marge de manœuvre budgétaire significativement réduite, tous les moyens sont bons pour préserver les réserves de change du pays.
Des voix s’opposant à cette mesure anti-importation n’ont néanmoins pas manqué de se faire entendre. Cités dans les médias locaux, l’ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale, Kingsley Moghalu, et l’ex-ministre de l’Éducation, Oby Ezekwesili, regrettent ainsi que « Muhammadu Buhari bafoue l’indépendance de la Banque centrale ». Quant à la communauté des affaires nigériane, elle craint qu’une telle politique alimente le marché noir avec les pays frontaliers (le Bénin notamment) et conduise à exploiter des circuits parallèles pour se procurer des devises étrangères.