Les 5 événements clés de l’actualité des matières premières africaines en 2019
Alors que 2019 s’achève, Ressources revient sur les cinq temps forts de l’actualité des matières premières africaines au cours des douze derniers mois.
Retenir les faits saillants d’une période donnée, c’est savoir distinguer l’essentiel du futile dans une histoire en perpétuel mouvement. Une tâche délicate – et forcément subjective – à laquelle la rédaction de Ressources a voulu s’essayer. Entre la bataille des pays producteurs de cacao pour une meilleure rémunération de leur travail, le deal de l’année avec la reprise des actifs africains d’Anadarko par Total, la reconnaissance progressive du cannabis légal, la montée en puissance annoncée du gaz mozambicain et la levée des derniers obstacles à l’exploitation du plus important gisement de fer du continent, Ressources vous propose sa rétrospective des cinq faits marquants de l’actualité des matières premières africaines en 2019.
Le deal de l’année : la reprise des actifs africains d’Anadarko par Total
Date clé : 5 mai – Total informe de l’existence d’un accord avec Occidental en vue de l’acquisition des actifs africains d’Anadarko
L’acquisition en août pour 38 milliards de dollars de l’américain Anadarko par son compatriote Occidental Petroleum aura aussi fait le bonheur d’un troisième partenaire, français celui-là : Total. Plus tôt, en mai, la société dirigée par Patrick Pouyanné avait dévoilé un accord lui permettant de contrôler les actifs d’Anadarko en Afrique, si ce dernier venait à être racheté par Occidental Petroleum, face à son concurrent Chevron. Le deal validé, Total a ainsi réalisé sa plus grosse opération financière depuis le rachat d’Elf en 1999, en mettant 8,8 milliards de dollars (7,8 milliards d’euros) sur la table pour disposer de 1,2 milliard de barils de réserves prouvées et probables supplémentaires, situés en Algérie, au Ghana, au Mozambique et en Afrique du Sud. De quoi rendre encore plus attractif le portefeuille africain du groupe français, qui y exploite actuellement le quart de sa production mondiale (700 000 barils par jour sur 2,8 millions en 2018). À l’heure où d’aucuns pronostiquent la fin de la Françafrique, la première entreprise hexagonale en termes de chiffre d’affaires (209,4 milliards de dollars et près de 14 milliards de bénéfice net en 2018) continue, elle, de tisser sa toile sur le continent.
La bataille de l’année : l’alliance ivoiro-ghanéenne pour imposer un meilleur prix du cacao
Date clé : 12 juin – La Côte d’Ivoire et le Ghana annoncent la suspension de leurs ventes de cacao
Concernant le secteur du cacao, 2019 restera dans les annales comme l’année où le cartel ivoiro-ghanéen, qui totalise les deux tiers de la production mondiale de fèves, a joué de tout son poids pour changer la donne des prix de l’or brun. L’enjeu de cette bataille ? Mieux rémunérer les petits producteurs, éternels parents pauvres de la chaîne de valeur cacaoyère. Ainsi, sur les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel que représente la filière, seuls… 6 % voire moins reviennent aux paysans. Une situation intolérable pour Abidjan et Accra. Pour tenter d’y remédier, les deux pays ont décidé, en juin, de suspendre leurs ventes, dans le but d’imposer un prix plancher plus avantageux aux planteurs. Et contre toute attente, ce coup de pression a payé : fin octobre, l’ajout d’un différentiel de revenu de subsistance pour la campagne 2020/21 était acté par la multinationale Olam tandis que Mars avait apporté plus tôt son soutien à l’initiative ivoiro-ghanéenne. Pas sûr cependant que cela suffise à faire plier l’ensemble des industriels, beaucoup d’entre eux, armés d’importants stocks constitués avant le début des hostilités, jouant la montre. Alors que l’année touche à sa fin, la Côte d’Ivoire aurait vendu moins de 400 000 tonnes de fèves, soit près de 30 % de moins que l’an dernier à la même période. Le Ghana a quant à lui vu ses volumes se contracter de 40 %… Raison de plus de vouloir accélérer la transition vers davantage de transformation locale afin de moins dépendre des grands groupes internationaux.
Le pays de l’année : le Mozambique, où les majors s’enflamment pour le potentiel gazier national
Date clé : 18 juin – Anadarko confirme la construction d’un terminal de liquéfaction de gaz
Longtemps délaissé par les investisseurs, le Mozambique est en passe de devenir le nouvel eldorado africain du gaz, la découverte d’importants gisements au cours des dernières années ayant propulsé le pays sur le devant de la scène. Aujourd’hui nulle, la production de gaz naturel liquéfié (GNL) mozambicain devrait ainsi, à l’horizon 2025, dépasser la totalité de la production actuelle de l’Afrique subsaharienne (32 millions de tonnes par an contre 28 millions), selon l’étude Africa Energy Outlook 2020 de la Chambre africaine de l’énergie. Une montée en puissance spectaculaire rendue possible grâce aux investissements colossaux engagés par les grands opérateurs privés de la filière. En juin, c’est la compagnie énergétique américaine Anadarko – dont les actifs africains ont depuis été repris par le Français Total – qui donnait son feu vert pour la construction d’un terminal de liquéfaction de gaz d’une valeur de 25 milliards de dollars au Mozambique. Un investissement titanesque, qualifié alors par le gouvernement mozambicain de « plus important jamais réalisé en Afrique subsaharienne dans le secteur des hydrocarbures ». C’était sans compter sur le géant américain Exxon, qui dévoilait début octobre un autre projet de gaz naturel liquéfié encore plus important financièrement (de 27 à 33 milliards de dollars) que celui porté par Anadarko. Des montants proprement vertigineux au regard de l’actuelle taille économique de ce pays d’Afrique d’australe (14,4 milliards de dollars de PIB en 2018), aujourd’hui l’un des plus pauvres du monde (420 dollars de PIB/habitant) et qui attend assurément beaucoup de cette nouvelle filière fort prometteuse.
Le projet de l’année : le démarrage annoncé de l’exploitation du gisement de fer de Simandou
Date clé : 13 novembre – Le consortium SMB-Winning se voit réattribuer les blocs 1 et 2 du mont Simandou
Pour les autorités guinéennes, la réattribution en novembre des blocs 1 et 2 du mont Simandou au consortium guinéo-chinois Société minière de Boké (SMB-Winning) constitue l’heureux épilogue d’une saga hors-norme : la mise en valeur – sans cesse espérée et toujours reportée – du plus grand gisement de fer du continent africain. Des milliards de tonnes de minerai de la plus haute qualité, une capacité de production annuelle pouvant atteindre 100 millions de tonnes, des dizaines de milliards de dollars d’investissements nécessaires : les chiffres du projet d’exploitation des gisements du mont Simandou, prospectés depuis les années 1990, sont à la mesure du potentiel colossal de celui-ci. Pas étonnant dans ces conditions qu’il ait attiré à lui des opérateurs aux pratiques parfois sulfureuses, à l’image du minier israélien Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) qui, après des années de contentieux avec l’État guinéen, a finalement cédé en février ses droits sur les blocs 1 et 2 du gisement de fer de Simandou. Ces derniers ont ensuite fait l’objet d’un appel d’offres pour leur réallocation en juillet, ultimement remporté par SMB-Winning. Le Sino-Guinéen a, il est vrai, sorti l’artillerie lourde pour rafler la mise : outre la construction du très attendu Transguinéen – une voie ferrée de plus de 650 kilomètres qui permettra d’acheminer le fer à travers le territoire guinéen, dont le coût est estimé à plus de 20 milliards de dollars –, la société s’est engagée à bâtir un port en eau profonde sur la presqu’île de Matakong, à 50 km au sud de Conakry, pour l’exportation du minerai hors du pays. Un investissement massif rendu possible grâce aux très puissants soutiens des actionnaires de SMB-Winning, le producteur d’aluminium Shandong Weiqiao et l’opérateur portuaire Yantai, deux groupes chinois déterminés à satisfaire les besoins gargantuesques de leur marché domestique, premier consommateur mondial de fer.
L’avancée réglementaire de l’année : le cannabis (légal) s’impose en Afrique
Date clé : 16 décembre – La Zambie légalise le cannabis à usage thérapeutique
En attendant la ruée vers l’or vert du cannabis légal que nombre d’études spécialisées pronostiquent déjà – un engouement notamment alimenté par les utilisations médicales de cette plante – la légalisation de celui-ci est désormais bien enclenchée au sud du continent. Le 16 décembre, le gouvernement zambien donnait ainsi son « accord de principe […] pour la culture, le traitement et l’exportation du cannabis à des fins économiques et médicinales ». Par cette décision, le pays est devenu le quatrième d’Afrique australe après le Lesotho, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, à assouplir son dispositif législatif en faveur du cannabis. Plus tôt, en septembre, c’est la société sud-africaine Labat Africa qui annonçait son premier investissement dans la filière légalisée de ce psychotrope. Une dynamique pro cannabis pour l’instant circonscrite à la partie méridionale de l’Afrique, le reste du continent demeurant encore attentiste, si ce n’est réticent à faire évoluer sa législation. Les partisans de l’or vert légalisé veulent cependant croire que les doutes actuels des gouvernants réfractaires seront progressivement balayés par la force de l’argumentation économique : selon le groupe de réflexion Prohibition Partners, le marché africain du cannabis pourrait représenter 7,1 milliards de dollars en 2023. Un levier de plus au développement continental pour les uns, une naïveté confondante sur les questions de société pour les autres. À chacun son camp.