Miser sur la blockchain pour optimiser la filière cacao ivoirienne – Entretien avec Neil Gordon, PDG de GAEX
Garantir la traçabilité des matières premières agricoles et assurer un meilleur revenu aux planteurs grâce à la blockchain ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Encore peu répandue en Afrique, cette « machine à confiance » offre pourtant des opportunités qui dépassent largement le cadre des crypto-monnaies. Au Ghana, elle est utilisée pour un projet-pilote d’élaboration de cadastre digital mené depuis 2015 à Kumasi par l’ONG Bitland, tandis qu’en Ouganda, la structure Carico Café Connoisseur y recourt pour certifier l’origine de son café. Bonne nouvelle : grâce à l’entreprise GAEX (Global Agricultural Exchange), cette technologie perturbatrice débarque en Côte d’Ivoire et s’attaque à la filière cacao. À l’origine de ce projet, le Jamaïcain Neil Gordon, un professionnel de l’investissement jouissant de plus de 10 années d’expérience dans les marchés financiers et d’une solide expertise dans le domaine des matières premières.
La plateforme GAEX souhaite exploiter la toute-puissance de la technologie blockchain afin de traiter les problèmes de logistique et de qualité liés au commerce de l’or brun, tout en améliorant les revenus des planteurs. Pour Neil Gordon, amener de la transparence dans le marché des matières premières est l’une des meilleures applications possible de cet outil de validation initialement utilisé pour la création de crypto-monnaies. L’idée ? Regrouper toutes les transactions auparavant effectuées manuellement sous forme d’algorithmes authentifiant de façon infaillible chaque étape de la chaîne de valeur. Le résultat ? Une base de données ultra-sécurisée où seules les personnes en possession de la bonne clé peuvent déverrouiller les informations. À terme, les paysans pourront ainsi recevoir leurs commandes directement, livrer une production adaptée à la demande réelle et être payés instantanément. Quant aux négociants, ils seront en mesure de prouver que leur marchandise est conforme, qu’ils connaissent son origine et que celle-ci peut être intégralement tracée depuis le champ jusqu’au port de débarquement. Une ambition qui doit désormais être traduite en actes. Bien sûr, il faudra du temps avant que cette technologie encore inédite en Côte d’Ivoire pénètre le marché et entre dans les habitudes locales, mais si le pays l’adopte, elle pourrait s’imposer comme une véritable révolution dans une filière qui manque cruellement de transparence, et s’étendre à d’autres pays et d’autres matières premières. Affaire à suivre à partir de décembre, date à laquelle la plateforme devrait être officiellement lancée.
Ressources : Comment vous est venue l’idée de GAEX ?
Neil Gordon : Cela m’a juste semblé relever d’un besoin fondamental quand je suis venu en mission de prospection en Côte d’Ivoire en 2013. À cette époque, les tanks étaient toujours postés au Plateau et l’on pouvait encore apercevoir des traces d’impacts de balles dans les murs, mais personnellement, tout ce que j’ai vu c’est un énorme potentiel, et aussi la nécessité d’un marché des matières premières structuré. Or il se trouve que je sais comment tout cela fonctionne. Le besoin et la solution étant identifiés, je me suis dit : « Pourquoi ne pas tenter le coup ? » En tant que membre de la diaspora, j’avais aussi le sentiment d’une forme de responsabilité ; le sentiment que je pouvais mettre à profit mon expérience dans les marchés des capitaux pour apporter une contribution d’ordre économique au développement du pays. À partir de là, mon équipe et moi nous sommes mis au travail et c’est comme cela que GAEX a vu le jour. Je suis né en Jamaïque, mais j’habite aux États-Unis. À la base, j’avais l’intention de retourner dans mon pays d’origine et d’y lancer une activité dans le secteur des produits de base, mais le hasard a voulu que je me retrouve en Côte d’Ivoire et depuis, je me suis totalement dédié à ce pays.