Mzi Khumalo, l’imperturbable
À la tête de Metallon Corporation, la plus grande société d’extraction d’or du Zimbabwe, l’entrepreneur Mzi Khumalo est devenu un symbole de la réussite sociale des leaders de la lutte contre l’apartheid. Portrait en clair-obscur d’un tycoon au parcours passionnant, entre coups d’éclat et échecs retentissants.
« Il faut rêver les deux pieds sur terre », aime répéter Mzi Khumalo en se référant à Lénine. Réminiscence, sans doute, de ses jeunes années au sein de l’African National Congress (ANC), où l’idéologie dominante était alors le marxisme-léninisme. Arrêté à l’âge de 24 ans et condamné à 26 ans de prison pour ses activités anti-apartheid (mobilisation des masses, formation militaire et organisation sur le terrain…), il est le 27e prisonnier de l’année 1979 à Robben Island, où il sera incarcéré jusqu’à l’abolition de l’apartheid le 30 juin 1991, purgeant sa peine au côté de grandes figures de l’ANC comme Nelson Mandela, Walter Sisulu, Govan Mbeki et Ahmed Kathrada. Après ses années de détention, Mzi Khumalo passe rapidement du militantisme politique au business, persuadé que le pragmatisme libéral a davantage à offrir à l’échelle individuelle que l’idéal socialiste. Il faut dire que dès son plus jeune âge, le gamin de KwaMashu (township de Durban, où Khumalo a grandi), sixième d’une fratrie de dix enfants élevés par une mère veuve, développe un solide sens de la survie… et donc des affaires. « La passion du business m’est venue très tôt dans la vie, quand j’ai réalisé que l’argent amenait le pouvoir. Jeune garçon, j’ai commencé à collecter des bidons d’huile vides que je revendais aux marchandes de bière de sorgho du township. Avec ce commerce, j’ai rapidement gagné une belle somme d’argent. En 1994, l’Afrique du Sud a été frappée par une crise énergétique ; le fioul était rationné, mais grâce à mes contacts, j’ai réussi à m’en procurer et à le revendre avec profit », confie le magnat des mines à l’hebdomadaire dominical sud-africain The Sunday Times. Son flair et sa débrouillardise vont faire de Khumalo l’un des acteurs-clés de l’économie souterraine mise en place pour financer les activités de l’ANC. À sa sortie de prison, il officie un temps comme trésorier du parti, en charge de la branche du Kwazulu-Natal, avant de revenir à ses amours premières, les affaires. « Ma contribution au monde du business et à la vie politique résulte directement des circonstances qui entouraient le peuple noir sud-africain sous le régime oppressif de l’apartheid », explique-t-il encore dans les colonnes du Sunday Times.
À la faveur du Black Economic Empowerment (BEE) et du virage libéral pris par l’ANC sous la présidence de Nelson Mandela, Khumalo met alors à profit ses relations politiques pour se lancer dans les affaires. « Ma sortie de prison coïncidait avec le retour en grâce de l’Afrique du Sud sur la scène internationale. Et il fallait absolument que l’État nous donne du travail pour ne pas créer de nouvelles bombes sociales à retardement. Comme j’avais des compétences dans le domaine des finances et de la gestion d’entreprise grâce à un diplôme universitaire en commerce passé à ma sortie de prison, j’ai pu directement intégrer de grands groupes internationaux et grimper dans les hiérarchies, notamment dans le secteur minier ». Dès 1991 en effet, il rejoint la compagnie McCarthy Holdings avant de créer en 1994 le groupe Capital Alliance, qui réalisera plusieurs coups d’éclat et attirera en son sein divers poids lourds de la finance sud-africaine (l’assureur Liberty notamment). Parmi ces faits d’armes, la prise de contrôle de la première société minière sud-africaine d’alors, JCI Ltd. (Johannesburg Consolidated Investments Limited). À la tête du consortium African Mining Group, Capital Alliance réussit à lever plus de 600 millions de dollars et acquiert fin 1996 une participation majoritaire dans JCI, propriété du puissant groupe Anglo American. Une belle opération sur le papier : l’entreprise rachetée qui détient par ailleurs des intérêts dans le charbon, le ferrochrome et les métaux de base, est le principal actionnaire de la plus grande mine d’or d’Afrique du Sud, Western Areas. Mais sous l’effet cumulé de la chute des cours de l’or et d’une crise de confiance des actionnaires, renforcée par une association malheureuse avec le sulfureux magnat des mines sud-africain Brett Kebble, l’aventure virera rapidement au fiasco. Et moins d’un an plus tard, Mzi Khumalo démissionne de son poste de président exécutif de JCI.
Metallon Corporation : grandeur et décadence
Mais l’homme sait rebondir et aller là où on ne l’attend pas. Car ce n’est pas en Afrique du Sud que Mzi Khumalo pose les bases de son futur empire- (l’or en Afrique du Sud, c’est fini, […]Il faut juste l’accepter et s’adapter », justifie alors l’homme d’affaires) mais au Zimbabwe, un pays qui entretient lui aussi une longue tradition minière. C’est au début des années 2000 que Mzi Khumalo fonde Metallon Corporation (anciennement Metgold Limited). En octobre 2002, la structure acquiert les actifs aurifères du groupe minier britannique Lonmin Plc. au Zimbabwe, pour un montant de 15,5 millions de dollars. Ces actifs comprennent notamment quatre sites miniers d’importance : How dans le sud du pays (50 191 onces d’or en 2016), Shamva (21 061 onces), Redwing et Mazowe au centre et nord-est (respectivement 10 106 et 12 060 onces). Jusqu’en 2006, la production d’or augmente régulièrement, avec un pic à 156 000 onces en 2005, qui propulse Metallon au rang de premier producteur aurifère du pays (les réserves des quatre mines sont estimées à 8,3 millions d’onces d’or selon les normes du code JORC, et entre 4 et 6 millions d’après les résultats d’exploration de SRK Consulting).