Gabon - une filière cacao en quête d’un nouveau souffle
Négligée pendant des décennies, la filière cacao fait aujourd’hui partie intégrante de la stratégie de diversification économique lancée par les autorités gabonaises. Un pari ambitieux et aux multiples défis.
Au Gabon, petit « émirat » d’Afrique centrale, la brutale chute des cours de l’or noir survenue entre 2014 et 2016 (-70 %) a rappelé une évidence : préparer l’après-pétrole est plus que jamais indispensable. Une nécessité parfaitement intériorisée par le pouvoir actuel, qui cherche aujourd’hui à accélérer la diversification économique du pays dans le cadre du plan stratégique « Gabon émergent ». Pilier majeur de ce programme, l’initiative « Gabon vert » a notamment pour ambition d’investir dans l’agriculture afin de renforcer la part de celle-ci dans la richesse nationale produite (5 % du PIB seulement).
Spirale baissière
Parmi les secteurs clés de ce virage agricole annoncé, la filière cacao, longtemps négligée. À l’inverse du Cameroun — 5e producteur mondial de fèves — et de Sao Tomé — où l’or brun constitue la première source de devises du pays avec 79 % des exportations totales —, la cacaoculture gabonaise n’a cessé de décliner au cours des dernières décennies. D’un niveau de plus de 6 000 tonnes en 1970, la production est tombée à 1 920 tonnes en 1990 avant de s’effondrer à 375 tonnes en 2010. Elle s’est depuis stabilisée autour de 500 tonnes par an (voir graphiques ci-dessous) ; une goutte d’eau dans l’océan de la production cacaoyère mondiale (4 649 millions de tonnes pour la campagne 2017/2018), dominée par les géants ivoirien et ghanéen (plus de 60 % des volumes comptabilisés)
Une filière longtemps en déclin…
…. et insignifiante à l’échelle mondiale
Causes
Pour expliquer ces difficultés structurelles, les équipes de la Banque africaine de développement (BAD), dans un rapport d’évaluation des performances du secteur, notent que cette forte diminution de la production cacaoyère est due « à la fois à des facteurs démographiques (vieillissement de la population et exode rural), au vieillissement des cacaoyers, au manque d’infrastructures et à des prix aux producteurs insuffisants et donc désincitatifs ».
Autre point noir, l’inconstance des acteurs publics concernés. Sollicité par les autorités gabonaises pour apporter une assistance technique, le groupe agroalimentaire Nestlé, dans une note datée de février 2017 et consacrée à la relance de la filière café-cacao, constate que « […] l’instabilité des institutions en charge de la gestion du secteur café-cacao (SONADECI, SOCAGAB, CAISTAB) a progressivement entraîné au fil des années une dilution des responsabilités, notamment celles du ministère de l’Agriculture ». L’entreprise suisse conclut son rapport en indiquant que « la conséquence majeure a été une mauvaise structuration de la filière café-cacao ». Consultant en stratégie à Libreville, Emmanuel Mba note pour sa part que « c’est l’ensemble du secteur agricole qui a été délaissé après les indépendances, avec l’avènement des industries extractives, plus rémunératrices ».
À la manœuvre, la Caistab
La période actuelle, marquée par la faiblesse des cours de l’or noir et une volonté étatique de faire croître de nouvelles grappes d’activité économique, pourrait cependant s’avérer une chance pour la filière cacao. Ainsi, pour inverser définitivement la tendance, la Caistab a décidé d’investir 5 milliards de francs CFA dans la revitalisation des plantations abandonnées et la formation d’une nouvelle génération de cultivateurs. L’initiative, baptisée « Jeunes entrepreneurs café-cacao » (JECCA), a été lancée en février 2017 et vise à familiariser à brève échéance 250 jeunes exploitants aux techniques cacaoyère et caféière. Une fois instruits, ces agriculteurs se voient attribuer des terres cultivables et des fonds pour le développement de ces deux cultures. Autre acte fort posé, la mise en place — pour la première fois — d’un fonds d’achat destiné, selon la Caistab, à « l’acquisition du cacao et du café à 100 % », qui devrait par ailleurs aider à assurer des prix décents aux producteurs.