Le gaz naturel au Gabon : stratégie de développement
Par Jaume FERRER, conseiller en stratégie et promotion des investissements du gouvernement de la République gabonaise, et Elsa IZERE, analyste stratégique.
Fin 2018, le gouvernement gabonais a décidé de mener une étude de la filière gaz naturel – le pays dispose de réserves estimées à environ 5 000 milliards de mètres cubes – avec un objectif affiché : renforcer la compétitivité des différents maillons de cette chaîne de valeur. Cette étude a été réalisée par une équipe locale composée d’agents du ministère des Hydrocarbures, de l’Agence nationale de promotion des investissements (ANPI) et du secrétariat général du gouvernement, avec l’appui de la Fondation européenne pour l’excellence des pôles de compétitivité (European Foundation for Cluster Excellence).
La stratégie qui en est ressortie consiste à intégrer le gaz naturel dans un mix énergétique diversifié en tant que « solution » pour différents marchés tels que la génération d’électricité, les industries, la pétrochimie ou encore l’export. La valorisation du gaz naturel dans ce sens offrira de fait une opportunité commerciale aux opérateurs, permettra la création d’emplois et favorisera le développement socio-économique et industriel. L’utilisation du gaz naturel comme base du mix énergétique du pays, aux côtés des énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien), lui confèrera également un rôle de stabilisateur dans l’approvisionnement en énergie. En ce sens, cette stratégie de valorisation du gaz naturel, approuvée par le gouvernement gabonais, fait de l’utilisation de cette ressource bien plus qu’une commodité monétisable.
Utiliser le gaz naturel permettra aussi de développer une politique qui s’aligne avec les critères du trilemme énergétique proclamé par le Conseil mondial de l’énergie. Le trilemme énergétique obéit à trois critères. Le premier consiste à assurer l’approvisionnement en énergie pour tous les besoins du pays. Au Gabon, le gaz naturel permettra une fourniture stable qui pourra augmenter ou diminuer en fonction des conditions météorologiques et des besoins et disponibilités de l’énergie hydroélectrique ou d’autres énergies renouvelables. Le deuxième critère du trilemme énergétique est celui de l’équité, c’est-à-dire le droit de la population à bénéficier de l’énergie à un prix abordable. Le gaz naturel est de ce point de vue une ressource bon marché, sensiblement moins chère pour la production d’électricité que le diesel, encore très utilisé dans le pays via les centrales électriques alimentées avec ce carburant. La conversion de ces dernières en centrales au gaz naturel réduira ainsi considérablement le coût de l’électricité et dégagera le temps nécessaire pour construire les infrastructures énergétiques renouvelables qui vont de pair dans les années à venir. Le troisième critère est la durabilité et l’impact sur l’environnement. Sous cet aspect, le gaz naturel, même s’il appartient à la catégorie des hydrocarbonés, reste bien moins polluant que le diesel.
Par ailleurs, l’utilisation du gaz naturel dans le mix énergétique permettra de développer toute la chaîne de valeur au-delà de l’extraction, du transport au stockage, en passant par la distribution et la commercialisation. Ce développement aura une incidence directe sur la société et l’économie gabonaises. Davantage, ces conditions énergétiques plus favorables renforceront, aux yeux des investisseurs – notamment industriels – l’attractivité du pays.
À plus long terme enfin, une fois le gaz naturel bien intégré dans le bouquet énergétique en tant que ressource stabilisatrice, le Gabon a l’ambition de se positionner comme un couloir énergétique majeur dans sa sous-région d’Afrique centrale. Une vision de fournisseur d’énergie à des pays tiers qui présuppose néanmoins que l’approvisionnement interne soit garanti. Nul doute cependant que les efforts impulsés par cette stratégie de développement participeront au mieux-être de la population, au renforcement des créations d’emplois et à l’amélioration du climat des affaires.