Michel Arrion, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) : « Augmenter le revenu des petits producteurs demeure une priorité »
Nommé fin septembre 2018 à la tête de l’Organisation internationale du cacao (ICCO – International Cocoa Organization), le Belge Michel Arrion, qui succède à ce poste à l’Ivoirien Jean-Marc Anga, a pris ses fonctions le 1er janvier 2019. Pour le nouveau numéro 1 de l’ICCO, l’augmentation du revenu des petits producteurs est une priorité qui relève non seulement de l’impératif éthique, mais conditionne en outre la durabilité économique et, partant, l’avenir de la filière cacao.
Ressources : Qu’est-ce qui a joué en votre faveur pour l’obtention du poste de directeur exécutif de l’ICCO ?
Michel Arrion : L’ICCO est composée de deux groupes de pays membres : d’un côté les producteurs et de l’autre les consommateurs. En 45 ans d’existence (l’ICCO a été créée en 1973 à Londres pour mettre en œuvre le premier accord international sur le cacao, négocié à Genève lors de la Conférence internationale des Nations unies sur le cacao, NDLR), cette structure n’a vu se succéder à sa tête quasiment que des membres des pays producteurs. L’Union européenne n’en a assuré la direction exécutive que pendant neuf ans. Elle a ainsi estimé que puisque le siège avait été transféré à Abidjan et qu’un Ivoirien avait précédemment dirigé l’organisation pendant neuf ans, c’était au tour d’un Européen d’assumer ces fonctions. Dans la course finale au poste figuraient un Espagnol et un Belge. L’UE a demandé aux pays producteurs de choisir et ceux-ci m’ont nommé par consensus, estimant sans doute que j’avais un profil bien plus africain que l’autre candidat en lice.
R. : En quoi consistent les activités de l’ICCO et quelles sont les grandes lignes de ses différentes réalisations ?
M. A. : Dans les années 1970, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement a voulu créer des organismes de gestion des produits de base, très importants pour les pays en voie de développement. Nous étions alors dans le contexte de la décolonisation, une dizaine d’années après les indépendances. Ces pays cherchaient un peu la troisième voie dans le mouvement des non-alignés. C’est à cette époque qu’a été créée l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), chargée de promouvoir l’industrialisation des pays fraîchement indépendants dont l’économie était fortement tributaire de matières premières comme les produits agricoles ou miniers, particulièrement fluctuants. Pour parer à la volatilité des cours, il a donc été décidé de créer des structures destinées à réguler le marché et stabiliser les prix. Initialement, l’organisation devait acheter et vendre du cacao, du café, du coton, du sucre. Quand les prix baissaient, elle achetait et quand ceux-ci augmentaient, elle vendait. C’est exactement ce que l’on a essayé de faire au sein de l’UE avec la politique agricole commune. Mais on s’est aperçu que c’était beaucoup plus compliqué et que ce n’était pas seulement en vendant et en achetant que l’on pouvait stabiliser les prix, particulièrement dans le cas d’une organisation internationale dont les pesanteurs administratives ne favorisent pas une prise de décision rapide. Souvent, on réalisait que l’on réagissait à contre-courant. On pouvait se réunir trois ou six mois après, alors que les cours étaient déjà inversés. Après une vingtaine d’années, cette fonction de gestion des stocks régulateurs a été abandonnée. On s’est exclusivement concentré sur le lien entre commerce et développement, en insistant sur l’opportunité de garder ces organisations comme forums de dialogue entre les producteurs et les consommateurs, mais en se focalisant davantage sur les objectifs du millénaire, désormais appelés objectifs de développement durable. L’ICCO vise donc une coopération internationale entre les principaux pays producteurs, au nombre de 22, et les 30 pays consommateurs incluant les 28 pays de l’Union européenne, plus la Suisse et la Russie. Principal organe international réunissant et fournissant des informations et études relatives à la production, la consommation et la distribution de cacao (études économiques, prévisions, analyses de marché, production de statistiques, gestion de projets…), l’ICCO attache une importance toute particulière à la durabilité de la filière et aux moyens de sa mise en œuvre.